Qu'en est-il des couveuses?!
Kathy Kelly 14/04/2000
source : The Emperor's Clothes
sur le site de la Ligue
Anti-Impérialiste
Commentaire de Jared Israël
Dans l'article suivant, Kathy Kelly fait référence au témoignage devant le
Congrès américain, il y a 10 ans, d'une femme nommée Nayirah
Vous avez probablement entendu parler de son témoignage. Elle était l'infirmière
volontaire qui disait avoir été témoin des soldats irakiens qui tiraient les bébés
hors des couveuses et les lançaient à terre pour qu'ils meurent de froid. Elle
déclara avoir été témoin d'autres horreurs encore.
Ce que vous pourriez ne pas savoir, c'est que le témoignage de Nayira était entièrement
fabriqué. Nayira était en fait la soeur de l'ambassadeur du Koweit à Washington,
et elle séjournait dans le palais familial à Washington durant la période décrite
ci-dessous. Pas un seul mot de son témoignage n'était vrai. Elle n'avait jamais
quitté les USA, il n'y avait pas eu de vacances au Koweit, pas de soeur venant
d'accoucher, pas de travail de volontaire dans un hôpital, pas de feuillets arrachés,
pas de troupes irakiennes. Rien que des histoires, le produit de l'imagination
- la sienne et celle de son coach
Lire ces mensonges est utile. Cela nous prépare à traiter avec scepticisme
les histoires d'atrocités dont nous abreuvent CNN et cie, et qui sont utilisées
pour justifier les guerres de conquête par nos gouvernants impériaux. Remarquez
bien en lisant que même en sachant que rien de ce que dit Nayira n'est vrai, qu'en
dépit de cette connaissance, le récit de Nayira vous impressionne. En le lisant,
vous compatissez avec ces pauvres enfants, et vous avez à vous rappeler : elle
n'a jamais quitté Washington. Tout cela est fabriqué.
Nayirah a témoigné devant une session spéciale de quelque chose appelé "Comité
Local du Congrès Américain sur les Droits de l'Homme" ("Congressional
Human Rights Caucus Committee") le 10 octobre 1990. Ses histoires, particulièrement
le fameux cauchemar des couveuses, fut utilisé par le président Georges Bush et
par les médias pour justifier l'attaque sauvage sur l'Irak. L'agression a continué
jusqu'aujourd'hui, causant la mort de plus d'un million d'enfants, sans parler
des autres. Sans parler de la destruction de ce qui était la plus riche des cultures
arabes séculières
Après avoir fini de lire Nayira, lisez s'il vous plaît la sobre description de
la visite de Kathy Kelly à un hôpital irakien. Elle dit la vérité : c'est l'Occident,
conduit par les Etats-Unis, qui a privé les bébés de moyens d'existence, qui les
a laissé mourir sur le sol froid.
Le témoignage de Nayira
NAYIRAH : "Monsieur le président, messieurs les membres de ce comité, je m'appelle Nayira, et je reviens du Koweit. Ma mère et moi étions au Koweit le 2 août pour passer de paisibles vacances. Ma soeur aînée avait accouché le 29 juillet et nous voulions passer quelques temps au Koweit auprès d'elle.
Je prie pour qu'aucune de mes compagnes de classe ne connaissent les vacances que j'ai eu. Il m'est parfois arrivé de désirer être une adulte, de grandir rapidement. Ce que j'ai vu arriver aux enfants du Koweit et à mon pays a changé ma vie à jamais, a changé la vie de tous les koweitiens, jeunes ou vieux, simple enfant ou non.
Ma soeur et mon neveu âgé de 5 jours ont traversé le désert vers la sécurité. Il n'y a pas de lait disponible pour les bébés au Koweit. Ils se sont enfui lorsque leur véhicule a été bloqué dans le désert, et l'aide leur est venue d'Arabie Saoudite.
Je suis resté et j'ai voulu faire quelque chose pour mon pays. La deuxième semaine après l'invasion, j'ai travaillé comme volontaire à l'hôpital Al-Idar avec 12 autres femmes qui désiraient aider elles aussi. J'étais la plus jeune des volontaires. Les autres femmes avaient entre 20 et 30 ans.
Pendant que j'étais là, j'ai vu les soldats irakiens entrer dans l'hôpital avec leurs armes. Ils ont tirés les bébés des couveuses, ils ont pris les couveuses, et ont laissé mourir les bébés sur le sol froid. J'étais horrifiée. Je ne pouvait rien faire, et je pensais à mon neveu qui était né prématuré, et aurait pu mourir ce jour là lui aussi.
Après avoir quitté l'hôpital, j'ai distribué avec quelques amis des tracts condamnant l'invasion irakienne, jusqu'à ce qu'on nous prévienne que nous pourrions être tué si les Irakiens nous voyaient.
Les Irakiens ont tout détruit au Koweit. Ils ont vidé les supermarchés de nourriture, les pharmacies de médicaments, les usines de matériel médical, ils ont cambriolé les maisons et torturé des voisins et des amis.
J'ai vu un de mes amis après qu'il ait été torturé par les Irakiens. Il a 22 ans, mais on aurait dit un vieillard. Les Irakiens lui avaient plongé la tête dans un bassin, jusqu'à ce qu'il soit presque noyé. Ils lui ont arraché les ongles. Ils lui ont fait subir des chocs électriques sur les parties sensibles de son corps. Il a beaucoup de chance d'avoir survécu"Fin du faux témoignage
Le prof. Peter Maher de Chicago a fait le commentaire suivant à propos de ce témoignage :
"Non seulement Nayira était la soeur bien entraînée de l'ambassadeur du Koweit à Washington, mais il y a pire que cela : La réunion du congrès devant laquelle a eu lieu la prestation de Nayira, n'était pas un événement normal, Cela avait été monté au seul but de propagande par l'administration Bush., avec la complicité de la sénatrice Diane Feinstein. Un sénateur est même le voisin direct de l'ambassadeur du Koweit : un certain Edouard Kennedy." Voici Kathy Kelly, fondatrice du groupe Voix dans le Désert. Aucune commission du congrès ne l'a appelée pour qu'elle diffuse son témoignage.JI
Qu'en est-il des couveuses?!
Par Kathy Kelly
Ca fait une étrange impression, comme si on marchait dans une maison funéraire. Notre délégation de quatre membres chuchote entre elle, en attendant de visiter l'aile des enfants du centre médical [Saddam City Medical Centre]. Le directeur n'est pas là, et quelqu'un a été envoyé pour trouver un médecin pour nous accompagner.
Il y a quatre ans, en mars 1996, la première délégation de 'Voix dans le Désert' visitait l'Irak. 30 délégations plus tard, pas grand chose a changé à l'intérieur de cet hôpital. Que doivent penser les médecins et les infirmières, de ces délégations qui, l'une après l'autre écoutent la litanie des carences, et regarde les enfants mourir?
Lorsque finalement un médecin entre dans le bureau, mon humeur sinistre me quitte instantanément; c'est le Docteur Qusay Al Rahim, duquel j'ai très souvent parlé à de nombreux groupes aux Etats-Unis. Mes compagnons qui le rencontrent pour la première fois ressentiront probablement la même chaleur envers lui que j'ai ressenti, et le tiendront dans la même estime. Il donne le sentiment que nous travaillons de concert à résoudre des problèmes insolubles, et que, même avec de maigres résultats, en face aux chances minimes, cela en vaut la peine. Je me demande comment il arrive à maintenir son calme, sa force invincible
Il y a deux ans, lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, il nous avait accompagné avec sollicitude jusqu'à son bureau, en s'excusant pour les ascenseurs qui ne marchaient pas, pour les couloirs plongés dans l'obscurité, parce qu'il n'y avait pas de lampes. Soudain, il se mit à courir, en réponse à des hurlements en bas de la salle. On criait à l'aide au chevet de Feryal, un bébé de sept mois, dont la mère était secouée de sanglots. Feryal venait d'avoir un arrêt cardiaque. Le Dr Qusay accourut pour lui administrer le bouche-à-bouche. Le coeur de Feryal avait lâché dans un combat contre la malnutrition et la septicémie. L'hôpital manquait à la fois de la nourriture et des antibiotiques dont le petit avait terriblement besoin. Je regardais le Dr Qusay en face de la mère angoissée, prononcer le verdict : "Je suis désolé, mais votre enfant ne peut vivre. Nous n'avons pas d'oxygène, nous n'avons pas la matériel." Combien de fois depuis lors le Dr Qusay s'est senti ainsi écrasé, ayant à dire des mots tragiques à des parents incrédules?
A présent, il est en train de nous expliquer que, d'une manière très concrète, il pense que nous sommes tous les pères et les mères de ces enfants, que c'est un défi d'inventer de nouveaux moyens de les aider. Et lorsque quelque chose marche, "et bien, vous voyez, cela vous fait garder l'espoir". Il détaille soigneusement quelques uns des plus grands problèmes auxquels ils doivent actuellement faire face - ils n'ont plus des biscuits proteïnés auparavant fourni par l'UNICEF et ils manquent de vaccins contre la rougeole-rubéole-oreillon. En fait, des lots de vaccins arrivent bien en suffisance, mais les coupures électriques empêchent un stockage convenable, et détruisent les vaccins. Jusque là, le ton a été celui d'un celui d'un professeur aimable, soucieux de se faire comprendre
Mais il baisse la tête, et la secoue d'avant en arrière plusieurs fois. "Nous avons eu une tragédie récemment. Nos couveuses sont vieilles et abîmées, mais nous avons essayé d'en réparer quelques unes. Nous avions mis un enfant dans une couveuse ainsi raccommodée, en pensant que cela aurait marché, mais le mastic était défectueux et le bébé a eu trop froid. En fait, nous avons perdu le bébé"
J'ai griffonné dans mon carnet, "Couveuses - maman!!". Peu de temps avant que la guerre du Golfe ne commence, j'ai cherché à rejoindre le 'Gulf Peace Team' un campement non-violent, non-aligné, qui se mettrait à la frontière entre l'Arabie Saoudite et l'Irak, entre les parties belligérantes. Les organisateurs m'avaient mis sur une liste d'attente. A ma grande surprise, on m'a dit que si je pouvais être à Boston dans les deux jours, je pourrais rejoindre le contingent américain, qui serait le dernier à atterrir à Bagdad avant que les bombardements commencent. Il me restait juste assez de temps pour une visite express à mes parents. Bien sûr, ils essayèrent de toutes leurs forces de me dissuader. Alors je me sauvais, la dernière chose que j'entendis fut ma mère qui me criait : "Et les couveuses?! Kathy, qu'en est-il des couveuses??!"
Elle faisait référence au témoignage de Nayira, la jeune Koweitienne, qui avait déclaré devant le congrès américain qu'elle avait été témoin dans un hôpital au Koweit de l'irruption de soldats irakiens, qui avaient volé le matériel. Avec ses yeux lumineux, et sa présence convaincante, elle parla de l'horreur qu'elle avait ressenti en voyant les soldats sortir les bébés des couveuses. Des mois plus tard, lorsque la guerre fut un souvenir lointain, des journalistes nous ont appris que 'Nayira' était en fait la soeur d'un émir du Koweit, que les médecins au Koweit ne pouvaient pas corroborer son témoignage, qu'en réalité, les couveuses supposées volées, avaient été conservée soigneusement durant l'invasion, et que la firme de relation publique 'Hill and Knowlton' avait efficacement répété avec la jeune fille pour son faux-témoignage
La 'Tempête du Désert' a détruit le réseau électrique irakien. Unités de réfrigération, épuration des eaux et aménagements sanitaires, et toute sorte d'équipements précieux ont été détruits. Les dispositifs vitaux d'un hôpital moderne ont été rendu inutilisables. Comme les bombardements alliés continuaient encore et toujours, la question de ma mère devenait de plus en plus pertinente, quoique on ne la posait plus : "Qu'en est-il des couveuses?"
Maintenant, alors que notre équipe visite l'Irak, après 9 années et demi de l'état de siège le plus étendu jamais imposé dans l'histoire moderne, nous voyons les couveuses, cassées et irréparables, entassées le long des murs du département d'obstétrique de l'hôpital. Les sanctions ont empêché l'Irak d'importer de nouvelles couveuses et d'acquérir des pièces pour réparer les anciennes. Et ce n'est qu'une parmi les fournitures vitales que les sanctions interdisent.
L'héroïsme du Dr Qusay est digne d'éloge. Plus sérieux que jamais, il nous parle des autres méthodes qu'il veut continuer à essayer, dans le sillage de la tragédie de la couveuse irréparable. "J'ai entendu parler de la méthode des kangourous, peut-être connaissez-vous, c'est ce qu'ils font en Australie. Je demande aux mères de bébés trop petits de l'essayer. Elle peuvent placer le bébé contre leur poitrine, et s'envelopper de vêtement, et cela peut maintenir le bébé suffisamment au chaud. Ou bien je leur demande d'essayer de trouver de la mousseline et du cellophane, et avec cela ils peuvent recréer des conditions pareilles à celles d'une couveuse. Vous voyez, nous devons inventer, et essayer de faire face."
Je me demande ce qui se passerait si le Dr Qusay témoignait devant le Congrès américain, comme l'avait fait Nayira il y a dix ans. Répondrions-nous avec la même indignation, maintenant que de telles actions sont la politique américaine elle-même? Nous mobiliserions-nous pour arrêter les sanctions avec la même ferveur qui nous a conduit à détruire l'Irak, et ses couveuses, et ses enfants? Maintenant comme alors, n'importe quelle mère, qu'elle soit koweitienne ou irakienne, peut vous dire que le sacrifice des enfants est injuste.
L'auteur est le directeur de Voices in the Wilderness (Voix dans le désert), une asbl opposée aux sanctions contre l'Irak